Une brêve histoire de Temps



L’autre jour, je me suis surpris à dire que « Je n’avais pas le temps ».

Une habitude ? Car comment je peux dire ça, moi, que je n’ai pas le temps, alors que j’ai aucune obligation, pas de chef qui appelle même le weekend, pas de problèmes administratifs, pas de futur ? Je me suis surpris moi-même.

Car le temps existe-t-il ? 




Une chose est sûre, on ne peut mesurer le temps comme un volume ou un potentiel électrique, on peut juste mesurer le temps écoulé, par comparaison.



Saviez vous que le temps varie en fonction de la vitesse ? On a pu faire l’expérience de placer une horloge atomique dans un satellite autour de la terre, et de la comparer avec celle –identique, restée à Terre. Et bien les deux horloges n’affichaient pas le même temps. Ce problème, le GPS de votre iPhone l’intègre déjà. Et si vous arriviez à voyager à la vitesse de la lumière sans mourir, le temps s’écoulerait pour vous infiniment plus lentement que sur la Terre. Vous pourriez revenir sur terre après un long voyage, pour vous rendre compte que c’est les singes qui la dominent, et que les hommes sont leur esclaves, et contempler les ruines de la statue de la liberté dans le sable.

Mais le temps varie aussi en fonction de la gravité. Il y a quelque temps, les physiciens du National Institute of Standards and Technology (NIST) ont réalisé l’horloge atomique la plus précise au monde, constituée d’un seul ion d’aluminium piégé par des champs électriques et que l’on peut exciter à l’aide d’un rayon laser. Cette horloge est environ cent fois plus précise que les horloges atomiques utilisées dans l’autre expérience, et on a pu enfin vérifier un phénomène bien connu prédit par les équations de la relativité restreinte et même de la relativité générale : la dilatation du temps. Le temps dépendant de la gravité, et la gravité venant concentriquement autour du centre de la Terre, et bien plus on s’éloigne de la terre, plus le temps s’écoule lentement. On a pu mesurer précisément des différences d’écoulement du temps en soulevant l’horloge atomique de 30 centimètres seulement. Autre chose, la gravité variant en permanence, vous, confortablement assis dans votre canapé, vous venez de vieillir super rapidement puis de vieillir plus lentement. Les fluctuations sont de l’ordre de 90 milliardièmes de seconde sur 80 ans. Dans le futur, grâce à ces variations de temps en fonction de la variation de champ gravitationnel, on pourra observer sur une horloge atomique le contenu du sous-sol (modification de la quantité d’eau de la nappe phréatique, présence de minéraux et de pétrole).

Tout ça pour expliquer que le temps est une vue de l’esprit, et qu’il est relatif. Il existe en apparence dans un référentiel donné, mais si vous sortez du référentiel, vous sortez du temps, et s’invente un temps à lui. Si quelqu’un vous donne rendez vous sur Pluton dans 15 ans, et que vous y allez à la vitesse de la lumière 10 heures plus tôt, alors que lui y est allé en navette spatiale traditionnelle en prenant 10 ans, on peut parier que vous aurez un peu d’avance car vos montres ne seront pas à la même heure.

Si on pousse la réflexion à ses confins, nous qui savons calculer la déformation de l’espace-temps aux abords d’un trou noir mais pas à l’intérieur, on aboutira à un paradoxe. Comment mesurer le temps avant le Big Bang, et comment le mesurer après la fin de l’univers. Combien de temps s’est écoulé avant le Big Bang ? La réponse est : une infinité de temps, ou aucun temps.

J’avais démissionné en juillet pour « avoir plus de temps » et en réalité je me suis rendu compte que le temps n’existait plus. Je voulais abolir le manque de temps, et je me suis rendu compte que j’avais aboli le temps. J’ai ressenti le sentiment « d’avoir le temps » pendant très peu de temps seulement. J’ai pu ensuite observer des modifications de la valeur du temps. Comme si j’accélérais vers la vitesse de la lumière, ou comme si la gravité à laquelle était soumise ma vie avait été modifiée. Tous les éléments de la mesure du temps de ma vie ont changé : alors que je vieillissais, je semble plus jeune. Alors que je grossissais, j’ai maigri vers le poids que j’avais il y 8 ans. Mes problèmes de l’an dernier santé ont disparu. Et alors que j’usais rapidement tous les objets autour de moi par manque de temps, je ne les vois plus s’abîmer. J’ai aboli le temps.

Comme le temps n’existe plus, la deadline n’a plus l’air que d’une lointaine étoile vers laquelle je voyage à la vitesse de la lumière pendant une durée infinie, et qui ne semble jamais s’approcher. On ne sait pas si on est la nuit ou le jour, on ne sait pas vraiment si on est immobile ou à une grande vitesse, et on ne vieillit pas. Je ne suis qu’un bois flotté, driftant indéfiniment à travers l’espace. Mes brefs retours sur la planète Terre me laissent toujours l’impression, moi le voyageur intemporel, que les gens restés sur la planète ont vieilli à très grande vitesse, c’est l’effet du temps.

Le temps, cette invention de l’Homme.





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